Source: A l’origine, le présent article est paru dans le magazine « REFORMER n°4: Digitalisation, LE GRAND BON NUMÉRIQUE ». Le magazine peut être lu en intégralité en suivant ce lien.
L’administration malgache est un acteur clé du développement. Dans la Grande île, sa lourdeur et son manque de célérité constituent des facteurs de blocage. L’administration s’est engagée dans une réforme d’envergure à travers le Programme de Réformes pour l’Efficacité de l’Administration (PREA).
L’administration publique malgache n’a pas connu de réforme majeure depuis l’indépendance. C’est en 2006 que l’idée de mettre en œuvre les réformes a commencé à germer dans l’esprit des dirigeants. Les circonvolutions politiques ont toujours retardé la mise en œuvre d’un programme d’envergure. Il a fallu attendre jusqu’en 2014 pour que l’initiative soit exhumée à travers le Programme de Réformes pour l’Efficacité de l’Administration (PREA), financé par la Banque Mondiale, qui a comme mission d’améliorer l’efficacité de l’administration publique. Une mission herculéenne qui se décline en douze volets.
1- Réduire les pertes évitables



C’est l’une des missions fondamentales du PREA : identifier les secteurs dans lesquels l’administration malgache perd de l’argent inutilement et en venir à bout afin de dégager des fonds pour permettre à l’administration de se focaliser sur l’essentiel. Un ensemble de petites décisions d’achat fait exploser le budget de l’État sur les court, moyen et long termes. Le PREA accompagne actuellement :
- L’élaboration et la mise en place d’un système digital de gestion des marchés publics (e-Government Procurement) avec l’ARMP et l’appui financier du PNUD et de la Banque Mondiale.
- L’assainissement des soldes et des pensions: à Madagascar, les fonctionnaires fantômes gonflent le nombre des fonctionnaires en alourdissant le budget de l’État. Une perte qui s’élève à des milliards par an et c’est la raison pour laquelle, le PREA focalise autant d’efforts pour mettre fin à ce fléau. L’utilisation de l’Application Unique pour la Gestion Uniforme des Ressources humaines de l’État (AUGURE) a déjà permis de mettre en relief des dossiers qui devraient être régularisés ou l’identification des fonctionnaires fantômes par le ministère de l’Economie et des Finances. Le PREA est engagé dans une démarche s’inscrivant sur le long terme dans ce domaine. La régularisation du paiement des soldes et pensions est une étape incontournable dans cette réforme de l’administration publique. Le PREA poursuit son engagement par l’appui à la poursuite du développement et au déploiement de l’AUGURE 2 par la dotation d’une Assistance Technique pointue à la cellule AUGURE. Parallèlement à cette opération, le PREA a obtenu le feu vert pour réaliser l’activité de recensement de tous les agents de l’Etat à Madagascar. Le recensement est prévu débuter ce mois de Janvier 2022.
2- Promouvoir une meilleure autonomie de l’État
Actuellement, 60% du budget de fonctionnement de l’État malgache dépend de l’appui des bailleurs de fonds. La réduction des pertes inutiles pourrait ainsi permettre à l’administration malgache d’avoir des fonds ne serait-ce que pour renverser la tendance. L’objectif est de couvrir au moins 60% du budget. Ce qui permettrait d’apurer peu à peu les dettes de l’État. Le développement passe par l’autonomie financière suivie d’une bonne gestion des finances publiques, un des pivots du PREA. Cette autonomie restera utopique si l’on n’arrive pas à arrêter l’hémorragie qui est catalysée par les domaines où l’argent de l’État sort frauduleusement, et à augmenter progressivement et de manière stable les recettes publiques de Madagascar. Ce ne sera pas une seule mesure qu’il faut mais la combinaison de quelques mesures drastiques par la mise en œuvre de certaines réformes au niveau :
- Des recettes publiques (démarré aux impôts avec le SAFI et douanes)
- De la gestion des ressources minières
- De la gestion des ressources halieutiques
- De la gestion des ressources énergétiques
- De la fiscalité locale au niveau des Collectivités territoriales décentralisées.
avec en toile de fond la réduction de la corruption dans tous ces domaines.

3- Améliorer la recette fiscale
L’État malgache ambitionne d’élargir de manière pérenne l’assiette fiscale. Les enjeux de l’identifiant unique sont importants. D’une manière infaillible, le système d’identifiant unique basculera automatiquement toute personne qui atteindra la majorité, dans deux registres : celui des contribuables et la liste électorale. Le suivi en sera facilité pour l’administration fiscale, étant donné que la personne devrait être enregistrée quand elle a un emploi. D’ailleurs, la digitalisation du système permettra de sanctionner toute personne qui voudrait se soustraire à ses devoirs de citoyen.
Le PREA et l’UGD accompagnent actuellement la mise en place d’un nouveau système d’administration fiscale intégrée (SAFI) au niveau de la Direction Générale des Impôts (HetraOnline, e-Bilan, e-Crédit TVA, e-Hetra).
4- Appuyer l’amélioration de la gestion administrative du personnel de l’Etat
Pour permettre aux administrations de disposer d’une organisation efficace de leur personnel selon leurs missions respectives et d’une meilleure connaissance de la répartition des compétences dont elles disposent, le PREA a appuyé plusieurs ministères dans l’établissement de la nomenclature des postes ainsi l’élaboration que de leurs FICHES DE POSTES. Figurent parmi les bénéficiaires de cet appui le Ministère de l’Economie et des Finances, le Ministère de la Fonction Publique, du Travail et des Lois Sociales, le Ministère de la Justice, le Ministère de la Sécurité Publique, le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable.
Les deux ministères en charge de la gestion d’AUGURE ont aussi été appuyés pour développer le Schéma Directeur Intégré du SIGRHE.
Enfin, le Ministère de la Fonction Publique, du Travail et des Lois Sociales a bénéficié cette année d’un appui à l’élaboration du Manuel de Gestion des Ressources Humaines de l’Etat en remplacement de celui de 2007.


5- Appuyer l’amélioration de la maîtrise de l’utilisation des subventions allouées aux Collectivités locales

Au début cette réforme avait semblé être juste une petite activité d’appui à la collaboration entre quelques ministères pour fluidifier la dotation et l’utilisation des subventions allouées aux Collectivités locales, activité démarrée avec les dotations aux CSB. Force est aujourd’hui de reconnaître que cette réforme cachait un grand problème : l’incompréhension par presque tous les acteurs de l’importance de ces dotations dans la fourniture du service public Santé à la base. L’appui comporte actuellement :
- La mise en place d’une Task Force CSB qui tient mensuellement une réunion à laquelle participent le Ministère de la Santé, le Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation, le Ministère de l’Economie et des Finances, des PTF comme l’Union Européenne, la Banque Mondiale, l’UNICEF (qui s’est prononcé récemment vouloir intégrer ce groupe) et le PREA bien sûr.
- L’exercice d’un contrôle et d’un suivi rapproché de l’effectivité des engagements et des mandatements de ces subventions par les acteurs concernés.
- La mise en œuvre d’un petit projet d’appui à la gestion communale de la dotation CSB dans des Communes pilotes de 2 Régions (le Vakinankaratra et le Betsiboka) pour une meilleure maîtrise du processus de planification, de budgétisation, de mandatement et d’utilisation des subventions CSB.
6- Renforcer les organes de contrôle
Les organes de contrôle sont essentiels surtout pour suivre l’exécution des décisions financières prises, proposer des améliorations et garantir un fonctionnement efficient des institutions. Le PREA vise à mettre en place des organes de contrôle efficients encadrant la bonne exécution budgétaire et financière de la fonction publique malgache.
La Cour des comptes, la direction générale du contrôle financier, l’inspection générale de l’État … sont tout autant de balises qui pourraient prévenir les abus, les malversations et les tentations de corruption. Dans cette optique de réforme, le PREA accompagne et appuie ces organes de contrôle par la continuation de l’appui à la Cour des Comptes, l’appui aux TF dans l’exécution de certains audits stratégiques, la formation des magistrats financiers à travers le CREFIAF. L’adhésion à l’approche Financement Basé sur les Résultats marque le changement de paradigme dans la méthode de travail de OCFP. Cette approche soutient les efforts de chaque organe à dépasser la phase de conformité dans leurs missions et de se focaliser sur la performance.
En 2021, des actions phares ont été réalisées en articulant le cadrage établi sur la pratique de la bonne gouvernance :
- Certification internationale sur la lutte contre la fraude communément appelé ACFE des 45 personnels des OCFP
- Audits effectués par le Tribunal financier au niveau des collectivités territoriales Décentralisées
- La tenue du Rapport public 2021 par la Cour des Comptes

7- Mettre l’administration publique entre les mains des citoyens


Frustration, perte de temps, grogne … pour les usagers des services publics, ces sentiments dominent bien souvent. Pour réduire tout cela, l’e-gouvernance mènera Madagascar vers la digitalisation de son administration publique. Quand on évoque la digitalisation, l’opinion traduit cela bien souvent par l’informatisation, ce qui est faux ! Pour le cas de la Grande île, l’informatisation n’est qu’un outil parmi tant d’autres pour atteindre les objectifs fixés: profiter pleinement des évolutions technologiques pour permettre aux citoyens d’accéder facilement aux services publics numériques. C’est l’objectif à atteindre dans la démarche de digitalisation de la fonction publique. L’idée est simple: faciliter l’accès du citoyen aux services publics tout en réduisant au maximum les contacts afin d’éradiquer toute tentative de corruption ainsi que les pertes de temps qu’engendre le déplacement du citoyen vers les services publics. Les agents de l’administration publique gagneront également en temps et en efficacité. L’utilisation de la technologie numérique dans l’administration permettra aussi la transparence et la traçabilité de toutes les transactions faites avec l’État et de réduire d’une manière considérable les corruptions qui gangrènent le quotidien de la population malgache.
Plusieurs chantiers ont déjà commencé dans ce cadre pour ne citer que :
- L’appui de l’UGD à des chantiers de digitalisation de certaines administrations (plateforme Orinasa de l’EDBM, plateforme Vaksiny du Ministère de la Santé Publique, …),
- La Digitalisation des 3 juridictions (TPI, TA, TF) du système judiciaire
- La Mise en place d’un tableau de bord de gestion des ressources humaines de la Présidence qui sera très bientôt interopérable avec l’AUGURE,
- L’Appui à la mise en interopérabilité des systèmes d’information de la Direction Générale des Impôts et la Direction Générale des Douanes.
8- Opérer une refonte de l’état civil
La mise en place et la dotation d’un nouvel identifiant unique passera par l’enregistrement de tous les faits d’état civil (naissances et décès en particulier) et par un enroulement massif de la population malgache. Le nouveau registre de l’état civil découlant de cette réforme fera office de base de données qui servira de référence à tous les projets de développement à Madagascar. À long terme, ce système d’identifiant unique permettrait d’avoir, d’une manière systématique, les indicateurs classiques de développement : taux de chômage, taux de vaccination, taux de réussite scolaire, taux de natalité et de mortalité, répartition spatiale de la population

9- Mettre en œuvre l’interopérabilité des systèmes d’information publics

Déposer sa candidature, alimenter son CV, se faire consulter à distance, ouvrir un compte bancaire, apprendre à distance, … L’identifiant unique est le cœur de l’e-gouvernance. Il est le pivot d’un ensemble de services connexes auquel s’attèle le PREA qui définira clairement les opportunités qu’offre la digitalisation. Ce sera une réalité dans un futur très proche.
Parmi les chantiers envisagés, il y a la mise en place d’un portail unique du gouvernement, la prévision d’accès du secteur privé aux systèmes d’information de l’Etat via la mise en place de la plateforme d’interopérabilité X-Road.
10- Appui à la lutte contre la corruption
Bien qu’il ait été dit que plusieurs chantiers de réformes poussées par le PREA contribuent déjà à la réduction de la corruption, quelques chantiers précis ont été conduits pour encourager certains acteurs dans leurs missions dans cette lutte. Parmi ces chantiers figurent :
L’appui au BIANCO dans les premières années du NFD par la dotation de matériels informatiques et de matériels roulants
L’appui à la Cour des Comptes à l’audit de l’application AUGURE pour identifier les niches de fraudes et de corruption dans la gestion des soldes et des pensions
L’appui au CSI dans la définition et la mise en œuvre de la Mesure Nationale de la Corruption (MNC)
- L’appui à l’élaboration de la Stratégie de lutte contre la corruption du Ministère de la Justice.



11- Promouvoir la culture de l’efficacité et l’appropriation du changement

Bouleverser d’une manière irréversible la manière de fonctionner de l’administration. C’est l’objectif de la culture de l’efficacité. Les agents de l’administration malgache seront les premiers à adhérer quand ils comprendront la culture de l’efficacité. Le gain n’est pas forcément monétaire, il peut se traduire par la satisfaction personnelle d’un travail bien fait. L’efficacité se cultive avec des informations et des formations. Le PREA accompagnera les différents ministères à faire face aux changements et bouleversements apportés par les réformes à travers des formations. Ainsi, le PREA accompagnera le pilotage et la coordination des initiatives pour promouvoir la performance :
- En 2019, le PREA a contribué à l’élaboration des contrats de performances des Ministres. Il s’agit d’inculquer la culture de l’efficacité « results oriented » au membre du Gouvernement par rapport à leurs missions
- En 2020, le PREA a participé à l’évaluation des contrats de performance de Gouvernement : revue de la cohérence, analyse des évidences, notation des résultats et formulation de recommandations
- En 2021, le PREA a contribué à l’évaluation de performance des Gouverneurs sur l’utilisation des subventions présidentielles allouées à la construction des routes en pavé. Le PREA a proposé la méthodologie d’évaluation ainsi que les outils y afférents.
- Toujours dans le cadre de la promotion de la culture d’efficacité, depuis 2019, le PREA assure la formation en suivi-évaluation axée sur les résultats des directeurs de Programmation, Suivi et Evaluation des Ministères sectoriels.
12- Elaboration de la Politique Nationale de l’Evaluation
Dans le cadre des réformes de l’administration publiques, le PREA a impulsé la culture de l’évaluation. Une série de plaidoyer au niveau des institutions a été effectué pour les convaincre de rejoindre le rang des pays africains intégrant l’évaluation dans les politiques publiques. Ainsi, en mars 2020, la République de Madagascar s’est résolument engagée à se doter d’une politique nationale d’évaluation réaliste et crédible, élaborée sur une base participative, avec l’appui de ses partenaires au développement. Il s’agit, en d’autres termes, d’élaborer une politique nationale d’évaluation favorisant la création d’un système national de suivi et d’évaluation intégré et complet, pris en charge et dirigé par le pays et qui apporte une réelle valeur ajoutée au développement.
Pour veiller au bon déroulement du processus, suivant les principes précités, un Comité de pilotage conjoint, co-présidé par le Secrétaire Général de la Présidence et la Présidente de la Commission Evaluation au niveau de l’Assemblée Nationale, ainsi qu’un Comité technique dirigé par le Ministère de l’économie et des finances, ont été mis en place. Le premier comité structure au plus haut niveau la supervision de l’élaboration de la PNEval et donne les orientations stratégiques pour en assurer la réussite. Le second est chargé de la validation des extrants et de la facilitation de la mise en œuvre du mandat.
Livrables :
- Analyse comparative des politiques nationales de l’évaluation en Afrique
- Rapport de diagnostic du suivi-évaluation à Madagascar
- Politique Nationale de l’Evaluation de Madagascar

13- Convaincre la population malgache et les fonctionnaires sur la nécessité des réformes

Madagascar envisage d’atteindre des objectifs particulièrement ambitieux à travers l’e-gouvernance dans une échéance pas trop lointaine. Si on arrive à garder le rythme des quatre premières années, nous pourrons atteindre sans mal cet objectif dans huit à dix ans. Néanmoins, sans l’adhésion de la population, cette réforme ne serait qu’utopie. Tous ces programmes de réformes devront être accompagnés par de grandes campagnes de communication, dont l’objectif est d’expliquer les réformes et de mettre en exergue les avantages des changements tant pour la population malagasy que pour l’administration publique. Les agents de la fonction publique seront aussi sensibilisés. La sécurisation des données constitue l’une des préoccupations majeures du PREA.